Des européennes de fin de règne
Dernière mise à jour le Dimanche 15 juin 2014 03:33 Écrit par Christelle de Crémiers Jeudi 22 mai 2014 03:51

L’abstention devrait battre un nouveau record. Pourtant les élections européennes détiennent déjà le record, tous scrutins confondus. Les raisons sont multiples, toutes détiennent une part de vérité.
Philippe Cayla, Président d’Euronews le déplorait déjà à la veille des européennes de 2009 : Ce sont les gouvernements, qui souhaitent garder le monopole de la communication vis-à-vis des électeurs, à défaut de celui de la décision politique, qui orchestrent l’opacité entre l’Europe et les citoyens. Pouvons-nous imaginer la une d’un magazine people avec les commissaires européens, l’exécutif du Parlement européen ? Et comment expliquer sinon que les débats télévisés entre les candidat-es à la présidence de la Commission, première historique de l’application du Traité de Lisbonne, n’aient même pas été diffusés sur les trois premières chaînes françaises ?
Pourtant, plus des deux tiers de nos lois se décident à Bruxelles. Les citoyen-nes la savent ou le devinent, ils ne sont pas dupes, ni sur le rôle de bouc-émissaire que les gouvernements nationaux font jouer à l’Europe quand ça leur arrange, ni sur la soi-disante volonté politique d’un Président de la République qui promet de renégocier, et approuve à la première occasion.
Le Front National devrait multiplier par 4 son score d’il y a cinq ans. Et le vote anti-européen rassembler 40 % des suffrages. Le vote favorable à la construction européenne rassemblerait donc 60 % des suffrages exprimés, avec 60 % d’abstention, soit une tiers des électeurs.
Parmi les candidatures qui acceptent de s’exprimer favorablement pour la construction européenne, les écologistes souffrent d’une situation inconfortable. Européens chevronnés de toujours, les écologistes voient dans l’Europe la bonne échelle pour amorcer la transition écologique des territoires : investissements massifs dans la transition énergétique, préservation de l’environnement, politique sociale anti-dumping, normes ambitieuses et exemplaires en matière de protection sociale et environnementale, excellence dans la recherche sur des techniques permettant de diminuer l’empreinte de l’activité humaine… Mais cette Europe qu’ils et elles appellent de leurs voeux n’existe pas vraiment. Quand ils combattent le Traité Transatlantique qui, après avoir annulé toutes les bannières douanières, bannira les barrières qualitatives sur les produits (OGM, hormones, pesticides…), ils s’opposent à l’une des caractéristiques fondamentales de l’Europe telle qu’elle existe en 2014 : le libre-échange néolibéral. Quand ils dénoncent la possibilité pour les multinationales de gagner des procès contre des Etats qui auraient entravé la formation de leurs bénéfices, ils contestent l’un des axes fondateurs de l’Europe d’aujourd’hui. Pourtant, les écologistes ne renieront jamais leur idéal européen. C’est inconfortable, mais ils assument : « Votez pour l’Europe telle qu’on l’imagine, pas telle qu’elle se présente à vous aujourd’hui. Votez pour nous pour que nous puissions changer d’Europe. » Par comparaison, le message frontiste a l’avantage de la simplicité : « Votez contre l’Europe réelle. »
Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, le projet européen a suscité beaucoup d’espoirs. Le projet de faire une entité politique, pour de bonnes raisons comme l’amorce de la transition écologique, ou pour des mauvaises, comme la poursuite d’un monde multipolaire qui reproduit à l’échelle continentale les affres nationalistes du XXe siècle, a fasciné et nourri plusieurs générations. Le charme est rompu désormais. La question de quitter l’euro est posée en boucle dans les émissions radio et TV. Même si c’est pour démontrer l’inanité, le coût, la difficulté d’un tel scénario, la question est quand même posée. Et le scenario est déjà sur la table des ministres des finances des pays de la zone euro, au cas où.
Le Traité transatlantique, prévu pour 2015, signerait la fin du rêve européen. Les écologistes ne s’y sont pas trompés quand ils ont titré en une du magazine Ecolonews distribué à des centaines de milliers d’exemplaires pour la campagne 2014 une mise en garde réaliste. « Le Traité, qui se négocie en catimini, pourrait diminuer, voire réduire à néant, la capacité des Etats à légiférer. » En choisissant d’imposer l’autérité pour répondre aux exigences des marchés financiers qui détiennent la clé de la dette des Etats, le projet européen de prospérité partagée est abandonné.
En cette année 2014, un parfum de désenchantement règne parmi les europhiles. Certains, comme les écologistes appellent « à reprendre l’Europe en main ». Une génération qui ne baissera pas la garde, quels que soient les résultats dimanche prochain.
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