Mardi 28 mars 2023

La nouvelle PAC n’aura pas lieu

Le Parlement européen enterre la réforme écologiste de la PAC. En mars 2013, le Parlement a ainsi voté 4 propositions législatives visant à réformer la PAC de l’U.E, des mesures dans l’ensemble défavorables à une conversion écologiste de l’agriculture intensive.

Le vote final interviendra en juin prochain et les dernières actions du Parlement laissent hélas peu présager d’une inflexion sérieuse de ces orientations décisives pour l’avenir de l’Europe rurale et agricole. Afin de mieux mesurer l’enjeu des luttes sociales qui s’organisent autour du combat pour  la sauvegarde d’une agriculture paysanne et citoyenne, un simple chiffre peut mettre en lumière le devenir des agricultures européennes: lorsque l’on sait que la PAC coûte en moyenne 106 euros par an à chaque européen, il paraissait totalement légitime de faire entendre une voix démocratique au sein des instances européennes.  En fait un certain public avisé n’a pas tardé pas à connaître la suite : en janvier 2013, le Parlement européen, devenu de façon inédite co-décisionnaire en la matière, avait défini sa position sur la réforme de la PAC lors du vote de la commission de l’agriculture sur les amendements à la proposition de la Commission européenne. Le processus de discussion, ouvert et démocratique paraissait effectivement avoir bien été amorcé : après avoir consulté de façon extensive les agriculteurs, les Etats membres, la Commission et les experts du sujet, les députés européens, en particulier les Verts, avaient déposé un nombre record de 7400 amendements en juin et juillet 2012 ainsi que pendant l’automne, un fait historique : aucune autre législation n’a jamais reçu autant d’amendements dans toute l’histoire du Parlement européen. Cependant, malgré ces efforts conjugués, la réforme de la PAC, désormais actée, favorise encore les gros producteurs au détriment des petits :

  • les grosses exploitations restent le plus grassement subventionnées ; c’est le feu vert au gigantisme et à une agriculture industrielle.
  • la polyculture est totalement délaissée au profit de la monoculture intensive.

L’anniversaire de la PAC et sa conversion aux lois d’un capitalisme débridé

Alors qu’elle est entrée de plain pied dans le « marché mondial », l’Europe célébrait alors en 2012 ses 50 ans de Politique Agricole Commune. Depuis la chute du mur de Berlin et la structuration de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) élargie aux pays émergents, le contexte géopolitique est totalement nouveau : face aux crises liées à l’approvisionnement des marchés agricoles et à l’inflation engendrées par le renchérissement des denrées agricoles, l’indépendance et la souveraineté alimentaires de l’Europe sont menacées. L’avenir de 500 millions d’Européens est donc en jeu.

En l’espace de 50 ans, dans les espaces ruraux et agraires de l’Europe, la structure de la population active concernée est globalement passée du statut du paysan, organisant une polyculture spécialisée en direction de marchés locaux ou régionaux, à celui de l’ « agri-manager », gérant ou propriétaire d’une « ferme mondiale » dont le cours des produits issus d’une monoculture spécialisée se règle à Rotterdam ou à New York. Renforcée par un modèle agronomique et agro-chimique intensif, la  révolution des pratiques culturales traditionnelles a contribué à privilégier les grandes cultures céréalières, en utilisant toujours plus d’intrants à base de pétrole, de phosphates et de pesticides, au détriment de l’assiette du consommateur : les plus-values occasionnées par les bénéfices des grandes filières de production, de transformation et de distribution des denrées agricoles (firmes agro-industrielles, grandes surfaces commerciales) renforcent toujours plus la dureté de ces chaînes capitalistes vouées aux mondes urbains, qui ont des effets pervers sur le budget des ménages en crise. Les prix augmentent, sans qu’il soit toujours possible de manger « bio ».

En 2013, le pari complet d’une Europe libérale intégrée au marché mondial a montré ses limites sur bien d’autres volets relatifs à la réforme en cours de la PAC : l’ouverture des marchés agricoles à de nouveaux Etats membres de l’Union et la mise en concurrence de nouveaux acteurs sur la scène mondiale ont ainsi atténué le rôle des spécialisations herbagères de certaines régions vitales pour l’équilibre des biotopes et elles ont très défavorablement impactées sur les revenus des éleveurs laitiers de l’Ouest français; cet habile jeu de chaises musicales n’a en fait rien d’un jeu car tous les actifs agricoles ne sont pas en mesure de survivre et de transmettre décemment leur exploitation devant les lois d’airain d’un marché agricole européen hautement perméable à la finance mondiale : le mécanisation agricole et la concentration foncière opérées par une dictature mondiale des rendements pour atteindre le point mort de la rentabilité ont ainsi conduit à la quasi disparition du paysan européen.

Les enjeux budgétaires de la nouvelle PAC

Loin d’être à l’abri des exigences commerciales de l’OMC et du géant agro-industriel nord américain, le vote du budget européen, qui s’élève aujourd’hui à 126,5 milliards d’euros, est actuellement sous la haute surveillance des places financières internationales ; l’enjeu de ce vote est considérable car il illustre l’avenir et le devenir des agricultures européennes. Un rapide coup d’œil dans ce budget montre les coupes sombres qui ont été opérées depuis bientôt vingt ans ;  ce nouveau budget illustre la baisse significative de la part consacrée à l’agriculture dans le budget total de l’Union : il n’en représente plus que 42% (soit une PAC à 53 milliards d’euros) contre 71% du budget total que représentait la politique agricole commune en 1984. La création de cet aréopage mondial qu’est l’OMC dans les années 1990, est au coeur  d’accords commerciaux  injustes qui renforcent la dissymétrie  des échanges entre les petits et les gros producteurs agricoles du Nord et du Sud. Cette intrusion du capitalisme    globalisé n’a hélas pas été contrebalancée par une volonté politique européenne forte. Résultat : l’autonomie budgétaire de l’Union européenne est pulvérisée ; la diminution afférente des droits de douane, qui représentait plus de 60% des ressources de la CEE au début des années 1990, ne rapportait plus que 13% de la totalité des ressources propres en 2010. Une telle chute est aussi significative du poids des lobbies, qui orientent arbitrairement les deniers du contribuable européen vers les grandes firmes agro-chimiques sans qu’il puisse demander des comptes, sans base possible de réciprocité.

Les alternatives politiques et citoyennes pour construire une conversion écologique de l’agriculture

Il faut se rappeler que, historiquement, la PAC a été le ferment, le ciment et, pour une large part, l’âme de l’Union européenne. Il ne faut donc pas oublier les fruits qu’elle a portés pour ses peuples avides de paix. Le premier avantage de la PAC a été l’harmonisation des productions et leur répartition en fonction des besoins. Le deuxième avantage est l’adoption de tous les pays membres de normes communes de qualité sanitaire. Le troisième intérêt est la reconnaissance, par des labels européens, des qualités d’un terroir particulier, d’un mode de production (par exemple l’agriculture biologique) ou de la typicité d’un produit. Au niveau international, le poids politique et économique de la PAC donne à l’Union européenne une place qu’aucun de ses pays membres pris individuellement ne pourrait défendre.

Mais il faut aller plus loin, malgré le constat sans appel de José Bové ; si les voix des Verts européens ont eu de fait peu de chances d’être entendues au sein du Parlement européen concernant la nouvelle PAC, les mesures phares de leurs propositions de réformes constituent néanmoins un cadre structurel d’action très opportun pour la mise en œuvre et le suivi de politiques publiques alternatives,  développé en six points :

  • il faut tout d’abord une PAC plus juste ; lorsque l’on sait que 20% des exploitations agricoles accaparent 80% des aides directes de la PAC, il faut ventiler les enveloppes budgétaires allouées en direction des petits producteurs européens capables d’engendrer des cercles vertueux : une agriculture locale et vivrière ne peut que promouvoir les circuits courts et instaurer un commerce équitable dans les pays du Nord comme dans les pays du Sud.
  • Une PAC plus verte doit promouvoir la rotation des cultures et ne pas soutenir les monocultures : en soutenant une agriculture biologique, il sera ainsi moins difficile de « manger bio ».
  • Alors que 7 millions de paysans européens devraient disparaître au cours des 10 prochaines années, une PAC jeune doit soutenir le monde des jeunes actifs agricoles.
  • Une PAC plus démocratique doit contribuer à renouer le lien entre citoyens et paysans et développer les chaînes locales d’alimentation.
  • Une PAC saine pour une alimentation de qualité, fraîche, goûteuse et sans résidus de pesticides dangereux pour la santé.
  • Une PAC plus simple, sans bureaucratie excessive.

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