Gaz de schiste : la parole est aux Français
Dernière mise à jour le Jeudi 23 janvier 2014 06:57 Écrit par Marie-Amélie Bertin Mardi 25 septembre 2012 09:16

L’annonce de François Hollande en ouverture de la conférence environnementale, ferme-t-elle vraiment la porte de l’exploitation des gaz de schiste ?
72% des français seraient pour une interdiction définitive. Pourtant, depuis cet été le Gouvernement semblait très hésitant à enterrer définitivement l’exploitation des gaz et pétroles de schiste.
Les français ont pris un cours accéléré sur les hydrocarbures . Il y a un an et demi en effet, les gaz et pétroles de schiste, étaient aussi inconnus du grand public et des élus locaux que les permis de recherche délivrés en catimini par le ministère de l’écologie et de l’énergie de Jean-Louis Borloo. Quand l’existence des permis français d’exploration de gaz et d’huile de schiste, couvrant d’immenses zones géographique, a été rendue publique in extremis entre décembre 2010 et janvier 2011, notamment par José Bové, les maires concernés apprennent avec surprise que les forages pourraient commencer demain sur leur commune et que les services de l’État n’ont pas pris la peine de les en avertir. De leur côté, les Français découvrent les gaz de schiste et la fracturation hydraulique. Le documentaire Gasland de Josh Fox, projeté dans tout le pays lors de réunion débat, leur montre l’impact des forages sur la vie quotidienne de l’Amérique rurale et les irréversibles dégâts sur l’environnement et la santé causés par dix ans d’exploitation des hydrocarbures de schiste aux États-Unis. Face à la forte mobilisation citoyenne et à l’hostilité des élus locaux, une loi est votée en toute hâte en 2011 pour interdire l’usage de la fracturation hydraulique et trois gigantesques permis de recherche de gaz de schiste sont rétroactivement abrogés dans le sud-est : les permis de Nant, Montélimar et Villeneuve de Berg.
Et découvert en France le plus important potentiel d’hydrocarbures de schiste d’Europe après la Pologne !
Compte tenu des alléchantes ressources estimées en gaz et pétrole non-conventionnel du sous-sol français, 5000 milliards de m3 exploitables de gaz et 100 millions de m3 de pétrole, le choix d’exploiter ou non le gaz de schiste n’est pas tranché. Nous nous retrouvons donc face à un choix de politique énergétique aussi majeur que celui qui , dans les années 70, fut refusé aux Français comme au Parlement, de recourir massivement au nucléaire pour notre production d’électricité. Comme le déclarait Arnaud Montebourg au sujet des gaz de schiste en clôture de la conférence environnementale « C’est un débat qui commence et qui est important pour transformer en profondeur le pays. ». Pourtant, François Hollande avait annoncé la veille, lors du discours d’ouverture de cette même conférence le rejet de sept demandes de permis de recherche d’hydrocarbures, soupçonnées d’être destinés à rechercher du gaz de schiste. Une annonce très ferme, immédiatement analysée dans la presse comme fermant la porte à l’exploration et donc à terme l’exploitation des hydrocarbures de schiste. Il s’agit surtout d’une annonce politiquement très habile. D’une part, tombée à point nommé une semaine avant la grande journée de mobilisation anti-gaz de schiste du 22 septembre, elle desserre l’étau d’une opinion publique, très largement hostile à l’exploitation des gaz de schiste, inquiétée cet été par les déclarations très ambigües du Premier Ministre et d’autres membres du Gouvernement. D’autre part, elle permet de faire sortir commodément ce dossier du feu médiatique du grand débat national sur l’énergie des mois prochains .
La fracturation hydraulique, et après ?
Pourtant, l’annonce de François Hollande d’abroger pour le quinquennat à venir, tout permis dont le but caché serait la recherche d’hydrocarbures de schiste a suscité la méfiance parmi les collectifs d’opposants aux gaz et pétrole de schiste et l’opposition des promoteurs de l’exploitation de ces ressources non-conventionnelles. Pour les premiers, si sept permis de recherche viennent d’être refusés, il reste une soixantaine de permis, délivrés sans enquête publique, dont une grande majorité serait en fait pour rechercher des gaz ou des huiles de schiste, dont l’unique mode d’extraction industrielle, et donc d’exploration des gisements comme d’exploitation, est la fracturation hydraulique, interdite par la loi depuis juillet 2011. Paradoxal? Non, car l’espoir des compagnies pétrolières, comme des promoteurs de l’exploitation des gaz et huile de schiste, est de voir le Gouvernement autoriser des recherches expérimentales de gaz et pétrole de schiste, pour disent-ils « développer des modes d’extraction propres » et « évaluer » plus précisément les ressources du sous-sol français en gaz et huiles de schiste. Car les milliers de milliards de m3 de gaz de schiste avancés, soit plus de cent ans de consommation française, pourraient n’être qu’un mirage; pour savoir, il faut des fracturations hydrauliques et des forages. Énormément de fracturations hydrauliques et de forages! Plus encore que sa technique d’extraction, si gourmande en eau et si polluante, ce qui caractérise le gaz ou le pétrole de schiste est qu’il est isolé dans la roche-mère.
Les hydrocarbures conventionnels, les seuls exploités au XXème siècle, se sont créés sous de très fortes pressions et températures dans une roche sédimentaire, la roche mère, et sont remontés peu à peu par des failles vers la surface pour se regrouper et se faire piéger dans de grandes poches ou réservoirs; pour les extraire, creuser un puits horizontal suffit. Les gaz et pétroles de schiste sont eux restés prisonniers et isolés dans la roche sédimentaire où il se sont formés . De sorte que leur extraction nécessite une multitude de puits horizontaux.
Exploiter ou non les gaz et pétroles de schiste : la seule question à se poser
L’état de la technique, la découverte d’une fracturation « propre » de la roche n’y changeront rien : l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste bouleverse les paysages par la profusion de puits qu’elle nécessite. En Pennsylvanie par exemple, un des états américains qui exploitent les gaz de schiste du gisement de Marcellus, la densité des puits, un tous les 1,5km2, donne le vertige. Cette démesure de forages, en plus de multiplier les risques d’accidents , d’explosions et de pollution des nappes phréatiques, n’est pas sans conséquences pour l’environnement, l’économie locale ou la santé des riverains : aggravation du réchauffement climatique et de l’artificialisation des sols, mitage des forêts et perturbation des écosystèmes, désastre pour le tourisme, pollution de l’air etc.
Contrairement aux apparences, le choix d’exploiter ou non les gaz et pétroles de schiste est un choix de société et non un débat d’experts, car ce choix ne dépend pas de l’état actuel ou futur des techniques de forage, ou de la précision de l’estimation de nos ressources enfouies sous terre. L’ampleur et la profondeur des bouleversements de nos vies quotidiennes comme de l’économie française que chacune des deux réponses possibles supposent, fait que les Français ne pourront pas être écartés de cette décision.
Crédit photo: le Dauphiné Libéré
Références complémentaires:
Sur la ligne politique de François Hollande et les réactions qu’elle suscite:
- Les antigaz de schiste ne désarment pas (France 3, Languedoc-Roussillon)
- Gaz de schiste : des industriels appellent à relancer le débat (Le Monde)
- Gaz de schiste : l’inquiétude dans le Vaucluse (Le Dauphiné Libéré)
- Laisser le gaz et le pétrole dans le sol c’est maintenant. (Bastamag)
Sur le rapport de l’UE, de mi-septembre, sur les risques liés aux hydrocarbures de schiste.
- Gaz de schiste : les rapports qui jettent un froid (Sud Ouest)
- Gaz de schiste : l’UE envisage d’encadrer les risques. (Actu environnement)
Le rapport d’information parlementaire sur les hydrocarbures de schiste (Assemblée Nationale, juin 2011), présenté par les députés F-M Gonnot et M Martin.
Les hydrocarbures de roche-mère en France (rapport provisoire d’avril 2011, Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement) (on y lit notamment noir sur blanc une proposition très intéressante de modification du code minier en faveur des pétroliers et gaziers qui souhaitent explorer et exploiter les hydrocarbures de roche-mère en France)
Bilan toxicologique et chimique : l’exploration et l’exploitation des gaz et huiles de schiste ou hydrocarbures de roche-mère par fracturation hydraulique (2ème édition) par le toxico-chimiste André Picot (les eaux de fracturation, une fois remontées peuvent réserver des surprises…)
L’exploitation des gaz de schiste à travers le monde (Novetic)
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